Réagir face au danger turc

TRIBUNE LIBRE N°95 / novembre 2020

Par Savvas Kalenteridis [1]

Dans quelques jours aura lieu un sommet de l’Union européenne au cours duquel la question de la Turquie sera discutée afin de décider si des sanctions doivent être imposées à Ankara.

Le danger turc n’est pas nouveau. Mais l’erreur qui a été commise par la Grèce et Chypre est que nos deux pays ont cherché à y faire face seuls, sans mettre la question à l’ordre du jour de l’agenda de l’Union européenne, alors même que la Turquie représente pour notre continent une menace de premier ordre.

Athènes et Nicosie attendent désormais de leurs partenaires de l’UE qu’ils les appuient face à Ankara et cessent d’exiger d’eux, sans contrepartie, leur soutien pour des questions diplomatiques qui les concernent. Cette absence de solidarité réciproque affaiblit de facto leur position face à la Turquie.

La Grèce et Chypre, par leur connaissance des Turcs et leur expérience des confrontations avec eux, peuvent apporter beaucoup afin de permettre la prise de conscience du danger turc par l’Europe. Nous livrons ci-dessous quelques éléments essentiels de la stratégie turque destinée à déstabiliser l’UE.

1. Coopération avec les organisations terroristes islamistes

La Turquie s’est fait une spécialité de la coopération avec les organisations djihadistes qui œuvrent contre l’Occident.

– Premièrement, elle coopère depuis des années – et continue de le faire – avec les terroristes de l’État islamique, dont les dirigeants étaient basés en Turquie et ont collaboré avec la famille Erdogan dans le trafic et la vente de pétrole extrait des puits de pétrole syriens. La Russie a soumis un dossier particulièrement documenté sur ce sujet à l’ONU.

– Deuxièmement, Ankara coopère, forme et équipe des groupes terroristes islamistes, qu’elle utilise ensuite contre les Kurdes en Syrie, afin de procéder à leur expulsion des régions qu’ils occupent dans le nord de ce pays (Afrin, Al Bab, Gire Spi et Sere Kaniye), se livrant à un véritable nettoyage ethnique.

– Troisièmement, elle coopère, forme et équipe des groupes terroristes islamistes dans la région d’Idlib qu’elle occupe, ses troupes travaillant ouvertement avec ces groupes, notamment le Front al-Nosra, une branche d’Al-Qaïda, dont les camps sont situés à quelques kilomètres de la frontière turque dans le gouvernorat d’Idlib.

– Quatrièmement, elle coopère, forme, équipe et transporte des groupes terroristes islamistes en Libye, où elle les utilise pour établir un régime islamique sous contrôle turc dans ce pays. Cette question concerne directement l’UE car la Turquie joue le même jeu bien connu de trafic illégal de migrants musulmans vers l’Europe, dans le but d’augmenter le nombre et l’importance des communautés musulmanes sur le continent, pour en prendre à terme le contrôle.

– Cinquièmement, elle coopère, forme, équipe et transporte des groupes terroristes islamistes en Azerbaïdjan qui ont participé à la guerre du Haut-Karabakh et les a ensuite installés dans les territoires conquis, dans le but de modifier leur démographie et de procéder au nettoyage ethnique de la population chrétienne.

À l’occasion des récents attentats terroristes islamistes dans les pays de l’UE, il a été possible d’observer, qu’à défaut de pouvoir les applaudir, la Turquie s’est empressée de les justifier.

2. Trafic illégal organisé de musulmans étrangers

La participation des services de l’État turc dans le trafic illégal d’étrangers, en grande majorité de religion musulmane, vers la Grèce et Chypre, dans le but de changer la démographie de ces deux États, mais aussi celle des pays de l’Union européenne, est bien connue de tous et en particulier de FRONTEX. Les étrangers qui entrent illégalement en Grèce ont pour objectif de se rendre dans d’autres pays européens, d’y profiter des aides sociales et des allocations de l’État providence afin de satisfaire la clause du Coran qui leur demande de répandre l’Islam dans le monde entier.

Le gouvernement grec peut préparer et livrer aux pays de l’UE un dossier avec des faits et documents choquants, prouvant l’implication de l’État turc dans cette immigration et la coopération des services turcs avec les bandes de passeurs.

3. Action des organisations paraétatiques turques dans les pays de l’UE

La Grèce détient des preuves des activités des organisations paraétatiques turques dans les pays de l’UE, où elles sont impliquées dans le trafic de drogue et le terrorisme, que cela soit contre les Kurdes, les Alevis, les Arméniens ou les opposants au régime d’Erdogan.

4. Violation des droits de l’homme

La Turquie étant un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne, elle est tenue de se conformer aux critères de Copenhague ainsi qu’aux normes des droits de l’homme qui s’appliquent en Europe.

Il est inconcevable que l’UE ferme les yeux sur les violations répétées des droits de l’homme ayant lieu en Turquie, sur l’arrestation de journalistes, d’avocats, de médecins, de citoyens ordinaires, simplement parce qu’ils contestent le régime d’Erdogan.

Le dossier sur cette question, qui sera soumis aux États de l’UE à l’occasion du prochain Sommet, sera particulièrement volumineux.

5. Génocide politique des Kurdes

Pour terminer, il est essentiel d’évoquer la question de la persécution des Kurdes, car il s’agit peut-être du seul cas au monde où un État qui revendique avec arrogance l’égalité politique pour une minorité de 180 000 personnes à Chypre – soit 18% de la population de l’île -, ne reconnaît pas les mêmes droits à une autre minorité, celle-là de 20 millions de personnes, et la prive même de ses droits fondamentaux.

La Turquie refuse aux Kurdes jusqu’au droit à l’éducation dans leur langue maternelle, alors qu’ils vivent depuis des milliers d’années dans la région, tandis que les Turcs n’y sont que des envahisseurs arrivés postérieurement.

Il faut rappeler que le gouvernement turc, auquel Abdullah Ocalan fut remis à Nairobi en 1999, avait promis aux États-Unis qu’il permettrait aux Kurdes d’exercer des activités politiques et de s’exprimer. Mais Ankara n’a pas tenu parole : ces dernières années, l’État turc a arrêté et emprisonné les dirigeants du Parti démocratique des peuples (HDP), des dizaines de députés et des maires élus avec près de 80% des suffrages, qu’il a remplacé par des commissaires d’État. Il a également arrêté et emprisonné des milliers de politiciens du HDP et les membres d’organisations de masse représentant le peuple kurde.

Cette tragédie du nettoyage ethnique des Kurdes par Ankara doit cesser. Parce qu’ils n’ont pas leur propre État pour dénoncer les massacres et les violations de leurs droits, nous ne les laisserons pas seuls sous le joug des Turcs. Que les États-Unis, la Russie et l’Union européenne prennent leurs responsabilités et cessent de jouer à des jeux politiques sur le dos d’un peuple de 40 millions d’âmes.

*

Il est aujourd’hui essentiel que les dirigeants et les diplomates européens comprennent que le problème de la Turquie islamiste expansionniste d’Erdogan n’est pas seulement celui de la Grèce, de Chypre ou de l’Arménie, mais celui de l’UE. Il convient donc qu’ils se mettent en ordre de bataille à l’occasion du prochain sommet.

Jusque-là, ni Athènes ni Nicosie n’ont été entendus. Nos deux pays n’ont bénéficié ni de la compréhension ni du soutien des États membres de l’UE qui ont longtemps considéré que la « question turque » ne les concernaient pas. Heureusement – ou malheureusement – les événements internationaux survenus au cours de l’année 2020 viennent démontrer le contraire.

Il est temps que les choses changent…

Source : Centre Français de Recherche sur le Renseignement


[1] Ancien colonel (armée de terre) du renseignement grec ayant servi six ans en Turquie, aujourd’hui consultant en géopolitique pour les médias grecs et éditorialiste pour la presse écrite. Il est l’auteur de La reddition d’Abdullah Ocalan (2007) et co-auteur de MIT : Les services secrets turcs (à paraître en 2021).

L’Arménie, l’Artsakh et leur douleur

L’histoire du peuple arménien s’écrit en lettres de sang dans le grand livre de l’humanité. Entre 1894-1896, les provinces arméniennes de l’Empire Ottoman furent le lieu des premiers massacres de masse, puis en 1909, ce fut la ville d’Adana qui fut martyrisée, était-ce alors un crime imputable à l’ancien régime ottoman ou les prémisses de la politique « Jeune turque » envers la minorité arménienne ? Les déportations de 1915-1917 et l’extermination d’un million et demi d’Arméniens sur leurs terres ancestrales furent qualifiées de génocide selon la terminologie créée par le juriste Raphaël Lemkin. Ainsi en ce début du XXème siècle, une page tragique de l’histoire du peuple arménien s’écrivait en lettres de sang, mais malheureusement la fin de ce siècle devait parachever le chapitre la tragédie arménienne avec les massacres de Bakou et de Soumgaït commis par les frères des Turcs, les Azéris.

Avec l’éclatement de l’URSS en 1991, il était fort à espérer que les frontières dessinées en 1921 seraient renégociées et que l’Artsakh et le Nakhitchevan, arbitrairement donnés par Staline à l’autorité azerbaïdjanaise, seraient restitués à l’Arménie vu que la population de ces deux provinces était majoritairement arménienne. Néanmoins, il n’en fut rien. Bien au contraire, le Nakhitchevan fut vidé de sa population arménienne et l’Artsakh resta dans le giron azerbaïdjanais.

L’Azerbaïdjan, riche de son pétrole, put se doter d’un armement moderne et sophistiqué, bénéficier des conseils en stratégie de la Turquie, car selon le président turc Erdogan « Turcs et Azéris sont une seule et même nation ». La menace sur l’Arménie et l’Artsakh devenait de plus en plus imminente. Il faut se rappeler qu’en 2004, dans le cadre de la formation de l’OTAN, en Hongrie, un jeune soldat arménien avait été exécuté à la hache pendant son sommeil par un soldat azéri. En juillet dernier, la Turquie organisa des manœuvres militaires chez son frère azéri près de la frontière arménienne. Cependant, comment l’Occident a-t-il pu ainsi fermer les yeux sur toutes les exactions commises par l’Azerbaïdjan depuis plusieurs années ? 

Le 27 septembre, l’Azerbaïdjan, sous l’impulsion de la Turquie, dont le Président Erdogan rêve de reconstituer l’Empire Ottoman, attaquait l’Artsakh qui, après un référendum en 1992 s’était proclamé indépendant. Les forces d’Azerbaïdjan soutenues par des mercenaires djihadistes et encadrées par des généraux turcs prirent l’avantage sur la résistance arménienne grâce à leur armement sophistiqué, drones mais surtout à l’utilisation d’armes interdites comme les bombes à sous-munitions ou au phosphore. Malgré plusieurs cessez-le-feu rompus systématiquement par l’Azerbaïdjan et une défense héroïque des soldats arméniens, après 5 semaines de combats acharnés, une trêve fut signée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’arbitrage de la Russie pour mettre fin au massacre des jeunes soldats arméniens.

Néanmoins, pouvons-nous espérer que cette fois la justice internationale fera son travail ? L’Azerbaïdjan devrait être jugé pour crime de guerre et crime contre l’humanité. De son côté, la Turquie qui a introduit ses « Loups gris » partout en Europe pour mener ses basses besognes et contrecarrer les actions des Arméniens en faveur de la reconnaissance pourrait être contrainte de rappeler sous peu toute sa horde car, à petits pas certes mais concrètement, la reconnaissance du génocide s’écrit dans le marbre de la loi.

Nersès Durman-Arabyan
Paris – 22/11/2020

ARMÉNIE SOUS LES GRIFFES DE CORONAVIRUS

La veille du 75ème anniversaire du souvenir de l’écrasement du nazisme et avant le défilé militaire du 24 juin 2020 sur la Place Rouge de Moscou, le Président russe Vladimir Poutine a rédigé une lettre ouverte dont vous trouverez ci-après un passage.

« Churchill a écrit dans un message adressé à Staline le 27 septembre 1944 que c’était ˵l’armée russe qui avait fait sortir les tripes de la machine militaire allemande.” Cette évaluation a trouvé écho dans le monde entier, parce que ces mots résument cette grande vérité que personne ne remettait alors en question. Presque 27 millions de Soviétiques ont péri sur les fronts et en captivité chez les Allemands, sont morts de faim et sous les bombardements, dans les ghettos et les fours des camps d’extermination nazis. L’URSS a perdu un citoyen sur sept, le Royaume-Uni un sur 127 et les États-Unis un sur 320. »

Durant la Seconde guerre mondiale, l’Arménie avait fourni 600.000 soldats et officiers à l’Armée Rouge parmi lesquels 300.000 sont tombés sur les champs de bataille de Stalingrad jusqu’à Berlin. À Berlin, ce sont les soldats arméniens du général Tamanyan qui hissèrent le drapeau de l’URSS au sommet du Bundestag.

Le 24 juin 2020, à Moscou, eut lieu un grand défilé militaire pour célébrer le 75ème anniversaire de la victoire sur l’Allemagne nazie. Bien que le Premier ministre d’Arménie, Nikol Pachinian n’ait pu y assister en raison de la pandémie du corona virus, un corps d’armée d’Arménie participa à la commémoration sur la Place Rouge à Moscou.

L’épidémie de la COVID19 n’ayant pas épargné l’Arménie, le gouvernement avait pris des mesures drastiques pour empêcher la propagation de la maladie. On pouvait dire que le pays se trouvait en état de guerre. Les autorités sanitaires étaient-elles à la hauteur pour mener à bien cette lutte contre un ennemi invisible à propos duquel mêmes les sommités mondiales ont peu de connaissances ?

Profitant de la situation dramatique du pays, les députés opposés à la politique du Premier ministre Pachinian multiplièrent leurs attaques contre le gouvernement, accusant les responsables du pays d’être incapables de juguler l’évolution de la maladie. En agissant de la sorte et en affaiblissant le gouvernement arménien, les opposants politiques ne jouent-ils pas le jeu de l’Azerbaïdjan qui n’attend qu’un prétexte pour attaquer de nouveau le pays ?

La première attaque émana d’un représentant du parti « Arménie Lumineuse ». Aux paroles agressives succédèrent des actes violents dans l’enceinte du parlement dont les images furent retransmises à la télévision.

Le lendemain, Nikol Pachinian prit la parole devant les députés et présenta la situation du pays. Il est à noter que depuis la Révolution de Velours, le gouvernement a changé et que toutes les réformes se sont faites dans le calme, sans effusion de sang. Le seul objectif des dirigeants reste l’amélioration du niveau de vie de la population, l’assainissement des finances publiques et la lutte contre la corruption.

Ce combat mené depuis quelques années a permis non seulement de redorer l’image de l’Arménie auprès des instances internationales, mais également de recevoir des investissements étrangers. Cependant, en observant l’attitude véhémente de certains députés, le Premier ministre avoua qu’il avait perdu une bataille ouvrant ainsi une brèche dans laquelle s’engouffra le président du parti « Arménie Prospère » en réclamant la démission de Pachinian sous prétexte de son incapacité à résoudre la crise du corona virus.

Ces opposants sont pour certains des hommes qui se sont engraissés durant l’époque soviétique et post-soviétique en accumulant des fortunes considérables sur le dos du peuple. Que dire de ces politiciens véreux qui ne sont en réalité que des sangsues monstrueuses laissant la population exsangue pour leur seul profit ?

Que penser de ce parti « Arménie Lumineuse » qui par son esclandre au Parlement arménien a définitivement éteint le phare qui commençait à briller dans le monde entier ?

Souhaitons que l’Arménie puisse se débarrasser au plus tôt de ces parasites bien enfouis sous les couches de la corruption, mais bien plus nuisibles semblent-ils que le coronavirus.

Nersès Durman-Arabyan
Paris — Juin 2020

La guerre hybride gréco-turque *(1)

Les relations entre la Grèce et la Turquie ne sont pas au beau fixe ; c’est le moins que l’on puisse dire. La Turquie, pays de plus de 80 millions d’habitants, puissance régionale incontestable et qui se rêve en grande puissance, mène une politique agressive à l’égard de ses voisins. Cette politique, qualifiée de néo-ottomane depuis l’accession au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan, prend des formes diverses, suivant les circonstances.

Cependant, une constante caractérise le comportement turc envers la Grèce : la pression permanente, sans relâche et sans répit. Une guerre hybride menée par la Turquie depuis des années.

L’instrumentalisation par la Turquie des migrants est le dernier épisode en date. En poussant, début 2020, des milliers d’entre eux vers la frontière grecque (maritime et terrestre), Ankara renforce considérablement la pression sur Athènes ; tout le monde a encore en tête les images de centaines de milliers de migrants débarquant sur les côtes des îles grecques de la mer Égée, avec son lot de drames…

Nombreux sont les analystes en géopolitique qui penchent vers l’existence d’un plan fomenté par les différents services turcs, maintenant une attitude agressive à l’égard de la Grèce.

Au-delà de l’instrumentalisation des migrants, la Turquie mène une autre attaque coordonnée et parallèle contre la Grèce. Il s’agit de la diffusion massive et ciblée d’informations dans les médias occidentaux, notamment ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France, avec l’intention de déstabiliser la Grèce, en la décrédibilisant et en la présentant comme un pays hostile aux droits de l’homme et au droit d’asile.

Il s’agit d’une guerre qui ne dit pas son nom. La Turquie, par le lobbying et la désinformation tente de nuire à la Grèce, tentant par la même occasion de cacher ses propres insuffisances sur le respect des droits de l’homme, de l’État de droit, de la liberté de la presse et d’expression ; un soft power agressif en quelque sorte, qui essaie d’inverser la situation.

Ces fausses informations étaient relayées et appuyées par le sommet de l’État turc, au moment où la multiplication d’informations dans la presse était à son apogée. De cette manière la décrédibilisation de la Grèce s’accompagnait d’un « crédit » à l’égard de la Turquie et de ses dirigeants (en tout cas, c’était l’objectif turc).

Ce soft power du lobbying et de la diffusion de fausses informations, est utilisé en complément au hard power que constituent dans ce cas précis, les migrants. Et ce n’est pas un hasard si la grande majorité de ces migrants, qui se sont déplacés vers la frontière turco-grecque à l’appel du gouvernement turc, étaient des Pakistanais, des Afghans ou encore des Maghrébins. Les Syriens étaient bizarrement absents…

Les fausses informations qui ont circulé concernaient, entre autres, la mort par un tir grec d’un migrant, les tirs à balles réelles de la police et de l’armée grecques contre les bateaux des migrants, les vols purs et simples des biens des migrants, les trafics en tout genre, etc, etc…

De nombreux migrants ayant témoigné dans les médias (surtout occidentaux) étaient trop bien informés et capables de manier à merveille les ficelles de la communication pour être totalement exempts de suspicion d’être manipulés ou manipulateurs.

Sur ce point, un article du New York Times *(2) , daté 10 mars 2020, est un modèle du genre : il faisait état de « camps de détention secrets » opérés par les autorités grecques et d’utilisation de tirs à balles réelles, sur la base d’un témoignage d’un réfugié syrien. Ensuite, le journal a été obligé de rectifier car le « réfugié syrien » avait en réalité un passeport turc !

La stratégie du gouvernement turc est, à mon sens, évidente : « constituer des abcès aux portes de l’Europe » et « organiser régulièrement des intrusions » afin de maintenir la pression et le climat de guerre contre la Grèce et la pression permanente sur le vieux continent.

L’objectif étant toujours le même : obtenir le plus possible tant au niveau économique et financier que politique avec un éventuel soutien face à la Russie (aussi bien sur le front syrien que libyen).

D’ailleurs, les demandes de Recep Tayyip Erdogan auprès de Bruxelles ont été claires : obtenir plus d’aide économique pour faire face au problème des réfugiés, obtenir la libéralisation des visas d’entrée dans l’Union européenne pour tous les citoyens turcs et, enfin, débloquer les négociations d’adhésion de la Turquie dans l’UE avec, dans un premier temps, l’ouverture de cinq chapitres de l’acquis communautaire. Ce dernier point mérite une petite explication supplémentaire : les cinq chapitres demandés par la Turquie sont ceux que la République de Chypre bloque unilatéralement car la Turquie ne reconnait pas Chypre et n’applique pas l’Union douanière qu’elle a avec l’Union, à Chypre. Cela équivaut à une demande turque d’écarter Chypre et d’ignorer l’existence de l’occupation turque de la partie nord de l’île, territoire, rappelons-le, faisant partie de l’Union européenne.

Une autre information importante sur les migrants vivant en Turquie n’a pas fait l’objet de la couverture médiatique qu’elle méritait : non seulement la Turquie laisse (ou plutôt, pousse) les migrants à se rendre à la frontière grecque, mais également elle déploie des renforts pour empêcher la Grèce de repousser les migrants.

La grande crainte de l’Union européenne, et surtout des pays situés en première ligne, c’est-à-dire les pays frontaliers de la Turquie, c’est d’avoir à affronter une agression turque. En clair, la crainte de la Grèce et de Chypre, c’est que la Turquie, en proie à de problèmes internes – économiques et politiques – et en proie à des problèmes au niveau de ses interventions extérieures où elle a récemment connu la défaite, ne cherche à tout prix à obtenir un succès militaire, une victoire « extérieure ».

*(1) D’après un article de l’auteur, paru dans Europe & Orient, No 30, janvier-juin 2020.

*(2) ‘We Are Like Animals’: Inside Greece’s Secret Site for Migrants

Charalambos Petinos
Historien et écrivain

Επικοινωνία – Contact : info@diaspora-grecque.com

http://diaspora-grecque.com/modules/altern8news/article.php?storyid=6602

Agop Terzan – In Memoriam

Il avait les yeux dans les étoiles

L’astrophysicien, Jacques Agop Terzan vient de les rejoindre pour l’éternité. 
Né à Istanbul en 1927, il avait obtenu son baccalauréat en sciences mathématiques et astronomiques en 1945.

Titulaire d’une maîtrise en astronomie en 1949 et d’un doctorat de l’Université de Lyon en 1965, il découvrira des centaines d’étoiles, dont Terzan 5 et Terzan 7 (en 1968).

Il était membre du Comité national d’astronomie Français et de l’Union astronomique internationale (UAI).

Il nous a quittés le 4 avril 2020.

Nous adressons nos sincères condoléances son épouse Marie Ange, et à ses enfants Laurence, Frédérique et Richard.

Nersès Durman-Arabyan
Paris, le 5 avril 2020

Patrick Devedjian – In Memoriam

Le 28 mars 2020, nous avons appris avec tristesse le décès de Patrick Devedjian, ancien maire d’Antony et Président du Conseil Départemental des Hauts-de-Seine.

Quelques jours auparavant, hospitalisé à l’Hôpital Privé d’Antony, il saluait le dévouement du corps médical dans sa lutte contre le Coronavirus.

Né en 1944, Patrick Devedjian était avocat au barreau de Paris. Membre du RPR, dont il fut le porte-parole, puis de l’UMP, il était l’un des proches de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy.

Élu député de la 13ème circonscription des Hauts-de-Seine et maire d’Antony, il restera toujours fidèle à ses origines

Présent aux commémorations du 24 avril lors desquelles nous avions le plaisir de le rencontrer, Patrick Devedjian était un ardent défenseur de la cause arménienne. On se souvient de son vibrant discours au Palais Bourbon lors de l’adoption de loi par laquelle la France reconnaissait en 2001 le Génocide des Arméniens.

Soutien du Fonds Arménien de France, il participera à des initiatives de développement économique en Arménie. La communauté arménienne de France perd un de ses plus grands représentants ; l’Arménie un de ses fils ; la France un homme politique courageux et engagé.

Nous adressons nos sincères condoléances à son épouse Sophie, à ses enfants et à ses petits-enfants et à toute sa famille.

Nersès DURMAN

Requiem pour Vartan OZINIAN

Samedi le 12 octobre 2019 en la Cathédrale Arménienne de Paris
Communiqué de la Mémoire des Arméniens de France pour la Postérité  MAFP

REQUIEM

Vartan Ozinian

L’Association des anciens Elèves du Lycée arménien Guétronagan d’Istanbul, section Paris, fait célébrer un Office de Requiem pour l’âme de son feu président, M. Vartan H. OZINIAN, à l’occasion du 40ème Jour de son décès, en union avec la sœur du défunt, Mme Marie Karakachian.

Le samedi 12 octobre 2019, à la fin de la Messe de 11 heures,en la Cathédrale Arménienne, 15 rue Jean Goujon, 75008 Paris.

Ce jour coïncide avec la Fête des Saints Traducteurs Arméniens (ceux qui ont inventé l’alphabet et traduit la Bible au début du 5ème siècle).

Le Défunt avait coutume de célébrer cette Fête solennellement par l’intermédiaire de son Association. Aussi, en souvenir et pour perpétrer cette coutume, ladite Association fait célébrer en même temps un office de requiem pour les âmes de tous les fondateurs, bienfaiteurs, proviseurs, enseignants et élèves du Lycée Guétronagan.

A la même occasion, Mme Marie Karakachian, ainsi que les familles Kevorkian et Tchilinguirian font célébrer l’office de requiem pour les âmes de tous leurs défunts.

MAFP COMMUNIQUE

Le Génocide des Arméniens a débuté il y a 104 ans par la rafle des intellectuels arméniens de Constantinople.

Le plan d’extermination des Arméniens par ses bourreaux n’aura pas réussi à effacer l’existence de tout un peuple. Malgré l’horreur, l’Arménie est toujours là, debout, plus forte encore. Et les Arméniens n’oublient pas les leurs, tombés dans les déserts, sans sépulture.

Le 13 avril 2019 à 16h30, dans le Parc de Sceaux (Antony), lors d’une cérémonie du souvenir devant l’Aigle d’Arménie (œuvre de Toros), nous avons déposé une gerbe en nous inclinant devant la mémoire de nos martyrs.

Le 18 avril 2019, nous avons offert à la Cathédrale Arménienne un carton de cartes postales pour la collecte du sang afin qu’elles soient distribuées par les jeunes de Paris, Lyon et Marseille. Ces cartes postales avaient été éditées lors du 100ème anniversaire du Génocide des Arméniens et diffusées au mois d’avril 2015.

Le 23 avril 2019, nous avons envoyé ces mêmes cartes postales :

À Monsieur président de la République Française

À Monsieur le Premier ministre

Aux présidents de groupes politiques de l’Assemblée Nationale

Aux présidents des groupes politiques du Sénat

Aux directeurs des journaux de Paris, Marseille, Lyon et au journal Haratch

Et à l’Établissement Français du Sang (EFS)

Nous les avons également adressées aux Ambassades et Consulats des pays suivants :

Arménie, Uruguay, États-Unis, Brésil, Cuba, Venezuela, Liban, Syrie, Jordanie, Égypte, Israël, Australie, Canada, Argentine, Belgique, Suisse, Italie, Serbie, Grèce, Chypre, Espagne, Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède, Allemagne Fédérale, Autriche, Iran, Géorgie, Chine et Russie.

Vous trouverez ci-inclus un message de nos amis grecs et chypriotes pour le 104ème anniversaire du Génocide des Arméniens. Depuis 1974, le tiers de l’Ile de Chypre est soumise à l’occupation de l’armée turque.

Nos amis grecs et assyro-chaldéens furent également les victimes des massacres de masse organisés par le même bourreau, celui des Arméniens.

Nersès Durman-Arabyan
Antony le 25 avril 2019

L’église circoncise de la Sainte Croix d’Aghtamar

Toujours d’actualité

Eglise Sainte-Croix Aghtamar

La culture c’est l’ADN d’une nation. L’extermination d’un peuple plusieurs fois millénaire pour s’approprier son héritage est voué à l’échec. L’ADN d’une nation révélera toujours son identité. En conséquence, la culture arménienne restera à jamais vivante dans la mémoire universelle.

Tout au long de l’histoire, les collectivités humaines ont vécu dans différentes contrées. Elles y ont créé leur culture, leur religion, et par conséquent des symboles qui représentent leur identité. L’UNESCO est une organisation internationale qui consacre des fonds pour rechercher et préserver le patrimoine de l’Humanité. Plusieurs fois millénaire, le peuple arménien, qui fut l’objet de bon nombre de persécutions et de massacres, a affirmé son identité dans les registres de la mémoire universelle. En Arménie, le seul vestige qui demeure de l‘époque païenne est le temple de Garni. Après avoir opté pour le christianisme comme religion d’État en 301, l’Arménie a construit des églises ; certaines reposent sur les fondations de temples païens, c’est le cas de la Sainte Église d’Etchmiadzine. L’Arménie historique a compté des milliers d’églises, de monastères, de chapelles, d’écoles et d’hôpitaux. Après le génocide de 1915, tous ces vestiges ont été détruits comme pour en effacer l’existence. La ville d’Ani que les Turcs appellent « Ane » ce qui signifie « Souviens-toi » se trouve sur l’actuel territoire de la Turquie. Ani était célèbre pour ses mille et une églises. Ancienne capitale de l’Arménie, elle fut complètement détruite.

Suite à l’anéantissement des Arméniens sur leurs terres ancestrales, leurs églises furent dans le meilleur cas reconverties en étables ou en granges. Au milieu du lac de Van, sur l’île d’Aghtamar (« Ak Damar » pour les Turcs, à savoir « la veine blanche »), les Arméniens avaient érigé au 10ème siècle une église, celle de la Sainte Croix. Cet édifice nécessitait des travaux de restauration. La Turquie les entreprit et, le 29 mars 2007, le bâtiment fut inauguré comme musée. La croix dressée sur son dôme avait été supprimée afin de ne pas donner au lieu son caractère sacré. Ainsi, la Turquie avait circoncise l’église la Sainte Croix d’Aghtamar, qui reste et demeure un symbole dans la mémoire nationale arménienne. Pour les Arméniens, il existe un nombre incalculable de vestiges qui ont subi le même sort, la même amputation, comme ces cohortes de femmes et ces jeunes filles enlevées, torturées et violées sur les routes de l’exode. Depuis 92 ans, les rescapés de ce peuple génocidé qui ont constitué partout dans le monde une diaspora ont été les témoins oculaires de la tragédie de 1915.

La Turquie ne se servirait-elle pas de l’inauguration de l’église musée de la Sainte Croix d’Aghtamar pour faire valoir aux yeux du monde son attachement aux valeurs universelles ?

La Turquie actuelle, candidate aux examens d’entrée dans l’Union européenne, a concédé quelques libertés de façade à son peuple. Après l’assassinat de Hrant Dink, plusieurs milliers de Turcs se sont réveillés pour sortir de leur engourdissement. En Asie mineure (Anatolie), des centaines de milliers d’Arméniens islamisés recherchent leurs racines, leurs ancêtres, leur passé. Le gouvernement turc ne leur mettra-t-il pas des bâtons dans les roues afin d’empêcher ceux d’entre eux qui le désireraient de se faire baptiser dans l’église de Saint Grégoire l’Illuminateur ?

Nersès Durman
Septembre 2014

Ignorance ou Marchandage du Génocide des Arméniens

Le 30 mai 2018, la Knesset (Parlement israélien) allait examiner la question de la reconnaissance du génocide des Arméniens.

Raphaël Lemkin
Raphaël Lemkin

Cependant, le rapporteur de la proposition Yuli-Yoel Edelstein n’avait pas inscrit cette question à l’ordre du jour arguant du fait que le vote des parlementaires ne rassemblerait pas une majorité suffisante pour son adoption.

Si malheureusement la crainte de ce rapporteur correspond à la réalité, il est douloureux d’admettre que des députés israéliens porteurs de la mémoire de la Shoah puissent ignorer l’existence du génocide des Arméniens.

La civilisation arménienne perdure depuis des millénaires. Cependant, durant des années, le peuple arménien a dû faire face à des attaques constantes bien qu’il fut toujours considéré comme une « nation fidèle » rendant d’immenses services aux autres pays ce qu’attestent de nombreuses archives historiques.

Le 24 avril 1915, à Constantinople, le gouvernement turc a minutieusement préparé la déportation et le massacre de plusieurs centaines d’intellectuels et de notables arméniens puis a poursuivi son action dévastatrice en Arménie occidentale en exterminant 1,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.

Si le crime de génocide perpétré contre les Arméniens en 1915 avait été condamné de façon exemplaire par la justice internationale, jamais le peuple juif aurait été victime de l’extermination nazie lors de la seconde guerre mondiale.

Le 22 octobre 1939, Hitler n’aurait-il pas dit devant ses officiers : « Qui donc se souvient encore du massacre des Arméniens ? »

En 1944, la notion de génocide fut créée par le juriste juif polonais Raphaël Lemkin, en prenant pour exemple le génocide des Arméniens.

La question de la reconnaissance du génocide des Arméniens a souvent été la source d’un odieux marchandage dans les relations interétatiques avec la Turquie. Malheureusement, force est de constater que les nations dites civilisées recourent systématiquement à ce stratagème pour bénéficier de contrats juteux.

Le Génocide est la douleur lancinante du peuple arménien dont il souffre depuis plus d’un siècle. La non-reconnaissance et la négation du génocide des Arméniens exaspèrent et répugnent les jeunes arméniens descendants des rescapés du génocide. Certains esprits ignorants plongés dans les ténèbres devraient s’éclairer grâce aux témoignages des rescapés du génocide et des documents transmis par les chercheurs et les historiens internationaux.

L’Arménien doit faire preuve de patience dans un esprit unitaire pour déjouer les pièges tendus par ses adversaires.

Nersès Durman-Arabyan
Paris le 31 mai 2018