République fédérale d’Arstakh (Karabagh)

Dans le monde entier, les bonnes relations de voisinage entre les États est souhaitable pour le bien de tous. Mais ce bon voisinage est-il réel ? Les villes et les villages adjacents de deux états limitrophes peuvent-ils vraiment s’entendre lorsque les religions, les langues et les coutumes sont différentes ? La cohabitation pourrait être sereine et amicale sauf si un tiers intervenait pour perturber cet équilibre.

Il est fort regrettable de constater que pour des intérêts personnels des liens amicaux et pacifiques puissent se détériorer et générer un conflit meurtrier.

Pendant des centaines d’années, des peuples ont réussi à vivre ensemble, ils ont partagé leur joie et leur douleur mais une haine distillée par le nationalisme ainsi que la misère sociale ont conduit à des affrontements et des combats entre des peuples qui, hier encore, vivaient en bonne intelligence. Ainsi, des peuples entiers furent exterminés et les seules traces de leur existence ne sont visibles au mieux que dans les livres d’histoire.

L’Arménie aurait pu être un de ces peuples disparus dont la civilisation millénaire n’aurait été connue que par les ouvrages d’art et de culture, en supposant que tous les édifices, témoins de cette grandeur ne fussent pas anéantis.

Début 1921, Staline avait invité les pays du Caucase et la Turquie à Moscou pour déterminer les frontières de chaque pays. Soudain, les révoltés de l’ancien régime renversèrent le gouvernement d’Arménie soviétique et contestèrent la légitimité de la délégation arménienne de Moscou qui dut se retirer. L’Artsakh, pourtant majoritairement peuplé d’Arméniens, fut donc arbitrairement rattaché administrativement à l’Azerbaïdjan par Staline. Ce sujet sera plus amplement développé dans un prochain article.

Il est bien évident que le litige sur la question de l’Artsakh (Karabagh) entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan remonte à 100 ans. Cependant, depuis la dislocation de l’URSS, les tensions entre les deux pays se sont accentuées et les populations arméniennes ont été victimes de massacres à Soumgaït et plusieurs centaines d’Arméniens ont été chassés de Bakou. Face à cette situation dramatique, les Arméniens d’Artsakh (Karabagh) proclamèrent leur indépendance et formèrent un gouvernement auto-proclamé.

La dernière agression de l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh (Karabagh) fut minutieusement préparée par la Turquie et son État-major. Après plusieurs semaines d’un conflit meurtrier pour les Arméniens d’Artsakh (Karabagh) et les volontaires arméniens contre les armées d’Azerbaïdjan et les mercenaires djihadistes encadrés par les généraux turcs, un énième et dernier cessez le feu fut décidé grâce à l’intervention de la Russie dans le cadre du groupe de Minsk. Ne serait-il pas opportun pour assurer la stabilité dans cette région du Caucase de créer une République d’Artsakh (Karabagh) et du Nakhitchevan sous la tutelle des trois puissances du groupe Minsk, la Russie, la France et les États-Unis ? Toute immixtion d’autres États serait formellement proscrite.

Rétablir une paix juste dans cette région du Caucase est nécessaire pour le bien des trois États qui la composent mais aussi pour la stabilité du monde entier car tout bouleversement et déséquilibre dans cette partie du monde aura des répercussions aussi bien en Europe qu’en Amérique.

L’aveuglement des pays occidentaux et leur désintérêt du conflit meurtrier qui a eu lieu de fin septembre à début novembre ont fait le jeu de la Turquie qui maintenant pense avoir les mains libres pour continuer son expansion politique et territoriale.

Nersès Durman-Arabyan
Paris – 18/01/2021

KARABAGH (ARTSAKH) : LA PAIX OU LA GUERRE ?

Mémorial Stepanakert

Après la défaite de l’Empire Ottoman en 1918, les Turcs menèrent un combat pour instaurer une République. Une République sur les ruines d’un empire exsangue à leur frontière intéressait la Russie. Par conséquent en mars 1920, Staline réunit à Moscou les 3 républiques du Caucase, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ainsi que la Turquie dans le but de définir les frontières de chaque pays de cette région. Les Turcs se présentaient à la conférence comme de futurs alliés de l’URSS, et il faut signaler également que lors de la réunion de cette conférence le gouvernement d’Arménie était tombé et qu’il n’y avait plus de représentant de l’Arménie à Moscou.

Le champ était libre pour les Turcs d’imposer leurs conditions ainsi le Haut Karabagh et le Nakhitchevan, deux régions où la population arménienne dépassait les 94% furent rattachés à l’Azerbaïdjan. Le Nakhitchevan fut progressivement vidé de sa population arménienne tandis que l’Artsakh restait, malgré son rattachement à l’Azerbaïdjan, une terre arménienne avec ses nombreuses églises.

Après la dislocation de l’URSS, le 21 septembre 1991, l’Arménie déclara son indépendance et devint une République avec ses propres symboles et ses emblèmes.

Les Arméniens menèrent une campagne pour libérer leurs terres ancestrales du joug azéri. Les batailles étaient très dures, les Arméniens d’Azerbaïdjan essentiellement de Bakou furent chassés du pays dans des conditions inhumaines et des massacres, rappelant ceux commis dans l’Empire Ottoman en 1915, furent perpétrés à Soumgait.

Le Karabagh libéré déclara son indépendance. Entre temps les Arméniens continuent à construire le Karabagh mais des heurts se produisent régulièrement sur le front et de jeunes soldats meurent sous les balles des snipers azéris. Sous l’égide de l’ONU se forme un groupe appelé « Groupe de Minsk » composé de 3 co-présidents dont les Etats-Unis, la France et la Russie pour assurer la paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Grâce au soutien de l’Arménie et de la diaspora, le Karabagh devient un état très bien structuré tel que beaucoup de pays dans le monde peuvent l’envier.

Le 2 avril 2016, le long de la frontière avec le Karabagh, l’armée azérie effectue une attaque surprise afin de récupérer quelques terrains. Les forces arméniennes résistent mais les morts dans les deux camps sont nombreux. Les Azéris décapitent la tête d’un prisonnier arménien et la promènent tel un trophée pour montrer leur force. Dès avril 1915, les Turcs Ottomans avaient procédé de la même façon contre les intellectuels et les notables arméniens comme le témoignent les photographies reproduisant l’entassement des têtes coupées des Arméniens. Même fraternité dans l’horreur entre Turcs et Azéris.

Pas un jour ne passe sans qu’on annonce le décès d’un soldat arménien tombé sous les balles d’un sniper azéri. Les attaques contre les villages frontaliers sont fréquentes. Les paysans arméniens ne peuvent même pas récolter leurs moissons dans leurs champs. Devant ces événements, l’indignation et l’exaspération des Arméniens sont arrivés à un seuil très critique. La jeunesse arménienne va-t-elle déborder pour aller mener des actions comme l’avait fait ASALA des années 75-80 pour défendre et protéger les terres arméniennes ?

Est-ce uniquement par des moyens violents que la conscience humaine peut se réveiller pour apporter une solution juste au peuple arménien déjà victime d’un génocide qui n’est pas reconnu par la Turquie héritière de ses bourreaux ?

La situation actuelle de la Catalogne nous interroge et la question cruciale qui se pose est pourquoi certains peuples réussissent à obtenir leur indépendance avec le soutien des puissances étrangères alors que d’autres sont accusés de séparatisme ? Pourquoi refuserait-on à l’Artsakh d’être pleinement indépendant alors que cette indépendance a été reconnue pour le Kosovo, par exemple, dans une situation en tout point identique ? Est-ce que les pétrodollars et le caviar de l’Azerbaïdjan vont acheter toutes les diplomaties occidentales ? Est-ce que la juste autodétermination des peuples ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes comme défini par l’ONU sont à géométrie variable ou devrais-je dire à intérêts économiques variables ?

Les 3 co-présidents du groupe de Minsk ont des intérêts contradictoires dans l’affaire du Karabagh. Il est grand temps de régler et d’agir car demain il sera trop tard pour décider la paix ou la guerre.

Nersès Durman-Arabyan
Paris, le 13 octobre 2017